Publié le 11 Juin 2019

Je me suis installée dans ma nouvelle automobile et là tout a merveilleusement commencé. Un ravissement des yeux, tout d’abord, sa ligne aérodynamique, ses sièges en similicuir anti-tâches, son tableau de bord en plastique multicouches teinté dans la masse digne de la NASA. Des écrans, des voyants en veux-tu en voilà, des informations à gogo, des alertes, des  indications,  des recommandations, des sommations sur ma vitesse, sur ma consommation, (je précise d’essence !), sur les kilomètres parcourus, le temps prévu pour le voyage, les auberges où je peux m’abreuver (modérément), les hôtels où je peux me  reposer (momentanément)...Plus besoin d’appuyer sur le champignon, la vitesse est contrôlée et me rappelle à l’ordre en cas de dépassement et je ne sais quoi d’autre encore, je n’ai pas eu le temps de faire  le tour de toutes ces innovations. L’heure du départ a sonné, mon taux d’alcoolémie étant correct, j’ai pu insérer ma clé-carte et  appuyer cérémonieusement sur le bouton START. J’ai alors inauguré avec l’enthousiasme  du néophyte le navigateur intégré. Une adresse et hop ! On y est presque.... une voix intemporelle vous dirige dans les méandres des venelles, rues, chemins, routes et autoroutes avec maestria : Tournez à droite,  à gauche, prenez le rond-point,  faites ceci,  faites cela, bla bla-bla-bla. Plus besoin de se creuser la tête pour faire la conversation, la voiture s’en charge. La technologie tout de même c’est quelque chose.... !

Grisée par tant de sollicitude, prise en charge par les multiples robots à mon service, je peux me  concentrer à  fond sur la route, en jetant de temps en temps un œil  discret sur l’écran luminescent où mon cheminement programmé se dessine peu à peu ( attention tout de même au strabisme divergent qui peut en résulter). La musique en sourdine, la température réglée idéalement par la climatisation, le confort tip-top du siège coque, moulé à la louche sur mon anatomie. Les  mains sur le volant, la machine vrombissante, la route qui défile, le bonheur ! Je suis  «la reine du monde ». Erreur funeste, candeur de l’innocence. Je ne le sais pas encore, mais je ne suis plus  qu’un rouage parmi d’autres.  La cinquième ou plutôt sixième roue du carrosse en quelque sorte. La machine s’est subrepticement substituée à mon moi profond. Hypnotisée, mon cerveau s’installe en mode Bluetooth,  en synchronisation parfaite avec le  tableau de bord. Bercée par le ronronnement technologique, mes yeux se brouillent,  mon nez rejoint dangereusement mon menton. Dans mon vaisseau spatial, en apesanteur des ondes magnétiques, multicolores traversent l’habitacle, le fauteuil s’incline lentement en position horizontale, je décolle, en route pour les étoiles.  Mon compagnon de route jusque là mutique me dit d’un air entendu : J’ai une prise jack , tu as une prise USB , nous sommes incompatibles, ça ne va pas pouvoir le faire....... A cette sentence impromptue, je  retombe  en vrille vers la terre...... Toutes les alarmes clignotantes ont viré instantanément au rouge,  manifestant bruyamment leur désapprobation. Gloup.... j’ai bien l’impression d’avoir piqué très légèrement  du nez et comportement irresponsable, s’il en est, j’ai complètement oublié d’enclencher le pilotage automatique  et de ceinturer mon parachute ascensionnel, manoeuvres exigées en la circonstance. Cette situation scabreuse n’étant pas du tout prévue au programme, je suis illico presto éjectée de mon siège par un puissant ressort intégré, lui aussi, dans mon fauteuil,  avec  mes vieux godillots autour du cou, pour finir la route à pied et indignité suprême, un zéro de conduite rouge tatoué sur le front.

Non, non, non et non,  c’est trop injuste, ras le bol du progrès technique. Rendez moi ma vieille traquanelle, ma  stroumphète verte, ma gentille 4ch Renault qui ne m’a jamais traitée de la sorte,  qui démarrait sans trop  faire d’histoire, après quelques vigoureux coups de marteau ici ou là,  histoire de la remettre en forme et  qui avait pour tout progrès technologique, un transistor accroché au rétroviseur. Mais on me dit que c’est impossible, qu’elle a depuis longtemps  déjà été recyclée en tourniquette pour faire la vinaigrette, puis en cire-godasse, puis en atomixer  lui même....etc.......Décidément on  n’arrête pas le progrès,  et moi je me retrouve sur l’asphalte, mon baluchon sur l’épaule, le soleil sur l’horizon, en route pour l’inconnu, telle une Charlotte des temps modernes.

                                                                                                                                                   Mireille MOUTTE

J'ai acheté une nouvelle auto

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Publié le 2 Mai 2019

Le corps

 

Le corps cet obscur objet du désir,

Me taraude, me fatigue, m’estourbit,

Il renâcle, se délabre, défaillit

l’autonomie par ses soins asservie,

Je voudrais échanger cet attirail

Mal équarri par un autre châssis

Par je ne sais quoi de moins rabougri,

D’un peu plus gracieux, de plus abouti,

Des erreurs de mère nature, faire fi,

Sur le métier remettre le fourbi,

Travailler pour qu’enfin du gribouillis,

Naisse une Vénus aux formes épanouies,

Et s’il agrée à votre seigneurie,

Ajoutez y un fétu d’ironie,

couronnez d’un zeste de fantaisie.

Et surtout, tant qu’à renaître à la vie,

Qu’à mon image elle soit plus jolie.

                           Mireille MOUTTE

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Publié le 15 Avril 2019

La terre a bu tout son soûl,

Elle est souple sous mes pieds,

Bien noire elle sent l’humus,

Mes mains effleurent les branches,

Je les entends s’égoutter,

Sur la draille qu’embaume,

Le pebré d’ase et le thym,

Le soleil se déverse,

Les flaques mirent le ciel,

Sur les murets de pierre,

La mousse est fluorescente,

Le ru a repris son cours,

L’humidité s’imprègne,

Tout baigne sous le soleil,

Mais ça ne va pas durer.....

Mireille MOUTTE

La terre

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Rédigé par ab irato

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Publié le 6 Avril 2019

Le peuple Algérien m’a émue aux larmes,

Ces mamies, ces jeunes, ces hommes, ces femmes,

Dans la rue, ensemble, main dans la main,

Qui font entendre avec force, détermination et joie,

Leurs voix jusque là volées, censurées, détournées,

Il fallait oublier la peur, il fallait être là, il fallait le dire,

Merci à vous pour cette leçon de courage et d’espoir,

Nous espérons comme vous un avenir meilleur,

Vous aviez un vieux Président, nous en avons un jeune,

Quelle différence ? Sitôt élus ils oublient le peuple,

Pour s’inféoder à leurs commanditaires et à l’argent,

La lutte est sans fin, inexorable et sans frontière,

Vous en savez quelque chose et depuis des siècles,

Le peuple toujours en première ligne, toujours sacrifié,

De la guerre d’indépendance aux années noires,

Des massacres de Tlemcen à ceux de Setif,

Le combat pour la vie, la survie exige son lot de sacrifices,

Nous ne voulons plus être les damnés de la terre,

Nous demandons, nous revendiquons, nous exigeons,

Le droit de vivre chez nous, dans la dignité et dans la paix.

Une mamie solidaire,

Le peuple algérien,

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Publié le 2 Mars 2019

HUMEUR,

 

Si j’ai bien compris le message subliminal mais intense que l’on nous serine à longueur de temps sur les antennes : il faut éviter de baiser à tout va sans protection, gare au sida et aux MST ; mais il faut une contraception raisonnée pour faire encore quelques bébés, démographie oblige. Il ne faut pas : manger trop sucré, trop salé,trop gras et même trop épicé, gare au cholestérol, aux AVC, à l’obésité. Il ne faut pas non plus boire à outrance mais avec modération pour ne pas pénaliser les grands crus de notre royaume et l’industrie alimentaire pourvoyeuse d’emploi. Ne pas abuser de la voiture, attention à la pollution, à la vitesse, aux accidents, à notre consommation d’hydrocarbure, mais acheter tout de même des voitures, c’est bon pour nos grands groupes automobiles. Il ne faut pas abuser de la consommation, déchets, pollution, épuisement des ressources, avec tout de même quelques crédits pour soutenir notre économie et les banques. Il faut cultiver notre optimisme pour éviter les antidépresseurs, because, le trou de la sécurité sociale.Mais il faut acheter les petites pilules du «bonheur » pour engraisser le consortium pharmaceutique. Il faut tous avoir son bac pour pointer au chômage ou s’épuiser dans l’intérim.Ah oui, j’oubliais, il faut manifester contre le racisme et l’ antisémitisme, bien, très bien, mais abandonner les migrants en méditerranée et même condamner ceux qui leur viennent en aide.

Allez, allez,…il nous reste tout de même les balades en forêt ou sur la côte si l’on n’est pas trop incommodé par les caméras à reconnaissance faciale. Bref…il ne faut surtout pas que notre PIB en hausse soutenue, économie libérale oblige, soit affecté par notre BIB (bonheur intérieur brut).

 

Si une fois cochées toutes les cases, pour répondre en bon petit soldat à toutes ces impérieuses sollicitations, il reste quelques grincheux, quelques récalcitrants qui sont toujours sans travail, et ou n’ont pas de revenus suffisants pour participer aux réjouissances, tant pis pour eux. Ce ne sont que des fainéants, des illettrés, des profiteurs de l’état providence, des incultes, des incapables, des asociaux et j’en passe. Des pauvres, quoi ! Il faut bien en accepter quelques uns (s’ils ne se font pas remarquer), et « même s’ils nous coûtent un pognon fou » pour faire tous ces travaux pénibles, sans statut, sans qualification, surexploités , sous-payés…mais oh combien indispensables à notre petit confort quotidien.

Je fatigue, ce soir c’est promis je me couche de bonne heure pour apprécier au mieux mon matelas multicouches à reconnaissance de forme.

 

Mireille MOUTTE

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Publié le 11 Février 2019

Violences

Condamner la violence ou les violences ? Certes, mais ne sont-elles pas constitutives de l’existence humaine ? Celles judiciairement condamnables, celles d’oppression, de proscription, de domination, moins directes mais plus constantes et celles par délégation que l’on préfère ignorer, mais tout aussi destructrices, sur l’environnement par exemple. Enfin celles issues des luttes émancipatrices, d’oppositions, de résistances ou d’insoumissions. Dans nos sociétés occidentales, les violences sont aujourd’hui en partie policées, maîtrisées, canalisées, organisées et parfois même institutionnalisées.  La violence dans son état premier, sauvage et sanguinaire ne serait paraît-il plus au programme. Sauf celles, bien entendu, organisées et programmées au seul bénéfice du pouvoir politique et financier en place. Avec toujours les mêmes péquenots  embrigadés, les mêmes chairs à canon en première ligne. La violence du peuple est le résultat d’une longue mise sous le boisseau d’une rage qui face à la violence des conditions qui l’oppresse ne peut qu’éclater avec fureur, comme une bulle de gaz dans une mine souterraine. 

 

En France, ce cri  des gilets jaunes est primordial. Il est le signe d’une vie qui ne peut se contenter du sort ingrat qui lui est imparti.  Face  à l’idéologie dominante du mérite des premiers de cordée,  à l’oligarchie des élus, les laissés-pour-compte, les exclus et même les seconds de cordée qui épuisent leurs forces au profit de quelques-uns, en courant après le minimum vital, après la soumission, la frustration,  se révoltent. C’est un combat existentiel. L’homme n’est pas fait que de pain et de jeux. On peut le distraire un temps mais quand il prend conscience de  sa relégation au rang de piétaille négligeable, de variable d’ajustement, corvéable à merci, la colère gronde et n’a plus que la violence pour s’exprimer.  Si l’on redécouvre le plaisir du vivre ensemble et la solidarité sur le rond-point il y a aussi la jouissance de s’attaquer,  ne serait ce qu’aux symboles de ce qui nous contraint et qui sont l’ADN du pouvoir politique : la puissance publique et l’économie.

 

Le système capitaliste maîtrise très bien son discours pour contraindre la populace à accréditer ses théories. « Les gueux » abandonnés à leur sort, n’ont pas les mêmes facilités. Face à la morgue culturelle, ils veulent « simplement » dénoncer les sacrifices imposés, présentés comme  la seule politique possible et le mépris et la violence qui les accompagnent. Ils veulent améliorer leurs conditions de vie, un avenir où ils ne seraient plus qu’un élément du productivisme. Ils ne seront plus accessibles à la dialectique du formatage  qui les tient habituellement sous sa coupe.  Ils ont rompu, pour un temps, avec la résignation et la société des compromis. Cette violence qui instrumentalisée par le pouvoir lui permettra d’imposer alors son modèle de société comme incontournable, de faire accepter son tout sécuritaire pour éviter  des désordres qu’il participe à faire émerger.  Il faudra alors toujours  recommencer pour faire évoluer sa situation à la marge jusqu’à remettre en cause le système dans sa globalité.

 

Je ne fais pas ici l’apologie de la violence, mais je l’estime inévitable, quand toujours la même caste hégémonique impose, qui plus est au nom de la démocratie, une politique sociale et économique injuste, des choix sociétaux discriminatoires sans laisser alors d’autres alternatives aux citoyens de seconde classe, que la révolte.                          MireilleMOUTTE

 

QUAND L'ORDRE EST INJUSTICE, LE DÉSORDRE EST DÉJÀ UN COMMENCEMENT DE JUSTICE.                              Romain ROLLAND

 

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Publié le 12 Novembre 2018

Planète Comme la terre contourne inexorablement le soleil, comme les feuilles, sans hésiter, tombent en automne, comme mouille sans tergiverser la pluie, septembre irréductible, met fin à notre insouciante vacance. Le clapotis des vagues est toujours là, le sable fluide est encore chaud, les ajoncs se balancent langoureux au gré du vent, le soleil avec ponctualité brille au Zénith. Nous connaissons par cœur tout ça, c’était notre domaine partagé un été avec les mouettes, les goélands, les arabesques d’algues, les galets rutilants et quelques autres bipèdes de moindre importance. En roulant à très vive allure dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, à l’inverse des planètes, à rebours des vents, des marées et des courants, nous remonterons peut-être le temps. Nous conserverons amoureusement tout ce que l’on pourra, mais bien avant les tours de Carcassonne, la mélancolie des côtes bretonnes s’estompera et les puissantes et austères bombardes feront place aux tumultueuses et sensuelles guitares. A quelques brasses de là notre «mare nostrum» s’étale, impassible, étincelante, sûre d’elle, elle en a tant vu ! Après tout, le soleil se lève toujours à l’Est. Pour quelques temps encore nous lancerons notre ancre dans son espace. «J’ai pris pour habitude de vivre largement au-dessus de mes moyens».. Et là, et là......délivrée des contingences terrestres, des vertiges en vestiges, des ignorants préjugés, du conformisme de bon aloi, des mythes et des croyances, baignant dans le suc essentiel de la vie, si la conjoncture des astres le permet, si l’anse est calme, si nous savons discrètement nous faufiler entre les mailles du filet, si nous savons voir, écouter, sentir, chanter, rien n’est perdu, tout recommencera...la la la la la.....Mais le bonheur n’est pas toujours très gai, c’est le risque qui l’exalte et le pigmente. Coûte que coûte, reprenons vite la haute mer. Mireille MOUTTE« A partir du moment où elle est reconnue, l’absurdité est une passion, la plus déchirante de toutes” Le mythe de Sisyphe d’Albert Camus

Planète

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Publié le 9 Octobre 2018

Une aventure périlleuse,

Par monts et par vaux,

Sans chercher le but,

Sans rien à attendre,

Le moment comme espace,

La pensée en course effrénée,

Les pieds sur terre en suspend,

Encore un instant, encore,

Éphémère commencement,

D’une éternelle ritournelle,

Sans discontinuer passer,

Fouler le blé, fouler le vin,

Ici et là boire, chanter, échanger,

Se réchauffer, s’embraser, aimer,

Rêver d’avoir tout son temps,

Le jour se lève je me lève avec lui,

Pour toujours, à jamais,

Vivre tout simplement.

Mireille MOUTTE

Aventure

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Rédigé par ab irato

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Publié le 6 Septembre 2018


Une souffrance qui exalte, aiguisée, sur le fil du rasoir. Il y a quelque chose d'excessivement sensuel dans ce dénuement. Une agitation de tous les sens, une sensibilité extrême, une mise en alerte continue, un adorable déséquilibre. Le plaisir incongru de se sentir objet. Voir et être vu, c'est le deal minimal. L'absence n'apaise pas, bien au contraire,  l'attente en apesanteur  est un puissant stimulant. Une expérience  unique. Sans issue et sans trémolo. Le désir à l'état pur, qui doit rester un désir pour durer. De bout en bout la résistance est tendue, Ne pas rompre le fil, ne pas essayer d'aller plus loin, sous peine d'être changée en statut de sel ! Gardez précieuse l'explosion des sens jusqu'à ce qu'une brève accalmie soit submergée par la nouvelle vague. Prolongez ce tsunami, cet adorable tourment qui irradie  le corps encore et encore. Je n'ai jamais aimé mon corps et il me le rend bien. Mais là, foin d'esthétisme, il n'a plus qu'un rôle secondaire, réagir à bon escient aux stimuli du cerveau. En suis-je bien sûre ? Pourquoi tout nécessiterait-il toujours un rapport dominant/dominé ? Pourquoi pas une harmonieuse complémentarité pour que la machine frissonne? Mais laissons là les recettes, la fabrication et son alchimie, les analyses et autres interprétations, Quelle étrange chose que la vie. Ce simple bouillonnement d'hormones, de gênes, ce maelström de cellules qui de connections en connections, d'électrochoc en fusion fait se sentir "infinitésimalement" vivant. Le reste n'est que banales contingences, vieilles habitudes, recettes éculées, conventions sociales et autres billevesées dont je n'ai cure. Demain peut-être....? Et bien non, la cloche à sonné, fin de la récréation, c'est la rentrée. Un "dommage" subtil d'inachevé sur un goût pimenté de revenez-y en bouche,        
                                                                                  Mireille MOUTTE

 

Ex-voto pour un fantasme

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Publié le 22 Juillet 2018

La terre

Pierrefiche était un champ de quelques hectares en jachère depuis bien longtemps. Aucune plantation de quelque nature que ce soit n’avait poussé sur cette terre abandonnée à la garrigue. C’était le paradis des lapins, avant la myxomatose qui les avait exterminés. Les quelques troupeaux de moutons peu exigeants qui sillonnaient encore le plateau y trouvaient quelque maigre pitance. Même le chêne poussait ses racines à grand peine dans ce terrain rocailleux. Autour des clapas, l’herbe était rase et grise. Par ci par là, quelques touffes de pebre d’ase, de thym et de lavande sauvage.Si bien que cette terre oubliée de tous semblait perdue à jamais, incapable d’engendrer la vie, de faire pousser la moindre graine. En passant près de ce lieu désolé, un chagrin vous prenait à la gorge. Au loin le Ventoux majestueux avec ses neiges immaculées semblait le narguer de toute sa hauteur, de toute sa splendeur. Le tableau, convenez en est tout sauf attrayant. Pourquoi ne pas laisser ce lieu à son terreux destin? Pourquoi cette tristesse disproportionnée à un petit bout de terre? Surtout que des garrigues pierreuses ce n’est pas ce qui manque dans le pays. Alors pourquoi là, ici ? Allez savoir….

Cette terre me faisait peine, elle m’attirait comme un aimant. Une terre plate il n’y en a pas tant, d’un accès facile, c’était du gâchis pour mon âme paysanne. Un espoir de résurrection insensé chaque fois déçu. Je ne pouvais d’aucune façon contrarier sa funeste destinée. Je ne suis ni propriétaire terrien, ni agricultrice, ni même agitatrice écologiste. Je ne suis qu’une dilettante friande de nature, amoureuse des arbres, des coucher de soleil derrière les nuages, de ciel enluminé. J’aime ces terres pauvres, pierreuses, sauvages. Mon regard affectueux, bienveillant et observateur leur offre la considération, le respect et la reconnaissance que leur beauté singulière mérite.

Bref, tel Don Quichotte j’avais trouvé mon moulin. Là s’arrête, bien entendu, la comparaison.Et puis, après bien des mois, des années même, par une nuit froide de pleine lune et d’insomnie, je décidai sans plus attendre, pour calmer une agitation rebelle à toute raison, «toute affaire cessante» de rejoindre illico presto mon plateau, un besoin irrésistible, une envie impérieuse d’aller marcher sous la lune, voir la haut ce qui se passe quand je ne suis pas là. On ne se promène pas assez au clair de lune. Tout change, tout est mystérieux. Une sensation de danger devant l’inconnu nous assaille, nous donne un agréable frisson d’angoisse, une délicieuse « chair de poule ». Seule au monde, je marche à grand pas vers je ne sais quel but, pour je ne sais quoi. Arrivée sur le plateau une lueur diffuse semble monter de la terre et se rapproche peu à peu de moi. Je n’entends pas les  voix cristallines des anges, mais presque. Je sais , vous vous dites si ce n’est la camisole, c’est le divan qui lui tend les bras. Mais cela nécessite-il vraiment une introspection approfondie? Ce n’est de toute façon pas le moment au cœur de l’action d’entamer une conférence approfondie sur mon moi profond. Mon délire ne pourrait déranger que moi. Alors laissez mon cœur battre la chamade, laissez moi aller librement à mes chimères. Après une marche vivifiante en même temps qu’ irréelle, je retrouve surprise ma garrigue constellée de milliers d’étoiles étincelantes accrochées au moindre fétu d’herbe, au moindre caillou, au moindre cumulus. Après un instant de surprise, ébahie, j’admire sans retenue le phénomène, sans chercher à comprendre ce miracle. Ma pauvre terre sèche et aride scintille enfin de mille feux. Elle fait même la nique au géant caché plus loin par la nuit Un cadeau du ciel et de la terre à consommer sans modération. Mais comme tout passe et trépasse, un nuage impassoble devant tant de beauté s’est glissé subrepticement entre moi et la pleine lune et a éteint une à une les fragiles loupiotes. Comme une gamine devant une attraction foraine, j’attends que le miracle se reproduise, mais l’ instant est passé, la conjoncture des astres n’est sans doute plus alignée. Je repars légère, heureuse, riche de ce spectacle singulier, de mon attente enfin récompensée. J’étais au rendez-vous et ma terre enfin à la fête.

                                                                                             Mireille MOUTTE

                                     

Sur la terre, face au ciel, tête en l'air, amoureux
Y a des allumettes au fond de tes yeux
Des pianos à queue dans la boîte aux lettres
Des pots de yaourt dans la vinaigrette 
Et des oubliettes au fond de la cour. J. Higelin

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Rédigé par ab irato

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